M’aimeras-tu toujours ? – L’alchimie d’une réponse
Un doux vent soufflait enfin sur la ville, la pluie venait de tomber. Au balcon, les rideaux en ndawrabine déposaient à chaque valse une fraîcheur coquine sur le lit. Elle était adossée au chevet, un oreiller intercalé, lui allongé sur le dos, occupant le lit sur le diagonal.
Sauf qu’à défaut d’un oreiller en coton, il préféra confisquer ses jambes à elle à cet effet. C’était sans savoir que c’est bien lui, qui finira par être prisonnier de ses ongles qui redéfinissaient le tracé de son cuir chevelu par des caresses… Elle s’y atellait avec finesse.
Il va faire bientôt 2h du matin, sous une ambiance tamisée, ils se lancèrent dans une nostalgie de leur début. Un débat rythmé par des jets de pics puérils : elle sous l’argument de qui a dragué l’autre en premier et lui sur la défense de qui a charmé qui en (classe de) Première.
Après un fou rire sur ces lointains souvenirs, ils se fixèrent du regard… Un silence songeur s’installa. Dans bien d’autres circonstances, ce silence aurait pu être lourd et inquiétant. Mais l’ambiance était bien trop intime et rose pour penser au pire.
Dans ce bref moment de mutisme, on pouvait entendre les âmes causer. Les pensées étaient anticipées : ils se connaissaient par coeur. En effet derrière son joli sourire se cachait une question qui lui taraudait l’esprit.
Il s’apprêtait à rompre ce silence, sauf qu’au moment où il descellait ses lèvres la question fut déjà assénée :
M’aimeras-tu toujours ?…
Elle acta d’abord une pause, pour le laisser ravaler ses mots. Et ensuite enchaina sur un ton crispé :
… Quand mon corps me trahira.
Ses lèvres se scellérent encore, un gloussement se fit entendre. Il avait compris que c’était là une question qu’elle n’a cessé de mûrir et qu’il ne suffirait pas de répondre tout simplement. Il fallait rassurer certes mais rester véridique aussi : il n’aimait pas faire rêver, il voulait vivre un rêve.
Ses yeux se baissérent, il émit un soupir… Mais cette fois avec au coin un petit sourire. Il se releva ensuite, se libéra de ce doux piège d’où il était et alla s’asseoir au bord du lit. Puis il se leva tout en se dirigeant vers le balcon, tout ceci sans là regarder il se mit à ausculter le ciel comme pour vérifier quelque chose.
Elle resta muette mais étudiait le moindre fait et geste, se recroquevilla sur elle-même tout en ayant les yeux rivés sur lui. Elle remarqua qu’il gardait toujours ce petit sourire au coin, ce qui attisait beaucoup plus sa curiosité mais elle le connaissait, la réponse n’allait pas tarder, elle resta patiente.
Le silence reprirent place… Sauf qu’au moment où elle baissait les yeux, il le brisa cette fois à son tour, les yeux toujours fixés au ciel, comme pour narrer une histoire :
« Au fil de mon vécu j’apprends constamment à dompter mon attachement en ce bas monde et ses artifices. Le but n’étant pas de m’en priver mais de les apprécier à leur juste valeur… éphémère. »
Ainsi j’apprends à dissocier le superflu du vrai telle cette fine couche dorée qui cache la blancheur du lait lorsqu’il fermente. Du coup, cela me pousse au jour le jour à éduquer mes goûts et à entraîner mon intellect.
J’apprends à m’attacher beaucoup plus à ce qui restera gravé à jamais mais aussi à profiter de ce qui se doit d’être vécu à l’instant. Je prends donc conscience de l’évolution physique, superficielle ou matérielle de l’être et son impact positif ou préventif.
Conscient que ces attributs se déprécient avec le temps, j’ai appris à réorienter ma définition de la beauté sur ce qui ne saurait périr… Je valorise les échanges et néglige les instances, donne plus d’attention aux émotions et relègue la prestance.
Ainsi je suis devenu une personne beaucoup plus attiré par l’intellect l’adab, la pensée ou tout simplement l’âme des autres. Sapiosexuel disent-ils… Il paraît c’est ainsi qu’on nous appelle ?
Et là, il se retourna pour faire face à elle, marqua un temps d’arrêt et vit à quel point elle était concentrée. Elle ne l’écoutait pas, elle vivait ses mots. Mais en réalité, tout ça elle le savait déjà, elle connaissait son homme. Quelque part, ce discours la rassurait, un peu, mais elle savait que y’avait plus, alors naturellement elle en voulait plus.
Sans même attendre une réponse, il poursuivit son développement :
Je pense que ça va un peu plus loin que ça. La sapiosexualité a pour base de pensée que tout ce que l’oeil perçoit perdra un jour de sa valeur et ainsi sur la même logique l’adepte se laisse charmer par l’intellect.
Alors pourquoi vais-je plus loin que le Sapiosexuel ? Parce que j’ai appris que cette théorie n’est pas tout à fait vraie : Ce n’est pas tout ce que l’on voit qui périt ou qui se déprecie. Il y a de ces attributs qui sont bien physiques mais que le temps n’affecte pas. Par exemple :
Le regard : de part le tracé des yeux et ce qu’ils couvrent
Le sourire : de part le tracé des lèvres et ce qu’elles cachentVoilà deux attributs physiques qui ne seront pas trahis par le temps et qui dans le fond ne connaissent pas changement de forme. Lorsque l’enveloppe corporel perdra ses attributs de beauté, le regard et le sourire rendront hommage à ce corps ad vitam aeternam.
De la naissance à la mort, de ton premier cri à ton dernier soufle, ton tracé buccal et celui de tes yeux resteront à jamais ta marque, ta signature faciale… telle une empreinte indélébile de tes traits de beauté.
A la réponse de L’alchimie…
Tout d’un coup la question du pourquoi se pose légitimement. Pourquoi les yeux, le sourire ? L’on peut se demander par quoi se justifie le choix porté sur ces deux attributs physiques qui trahissent la théorie du temps.
La réponse à cette question n’est pas dans ce qu’ils sont (la nature de ces attributs physiques) mais plutôt dans ce qu’ils font (leur rôle au delà de leur fonction primaire) :
Tout comme le miroir est parmi les artifices de beauté les plus essentiels, si ce n’est le plus importants chez la femme bien qu’en réalité il ne sert que de reflèt de ce que nous sommes ou tentons de mettre en valeur.
C’est ainsi que le regard reflète la beauté de l’âme et le sourire donne forme à la pureté du coeur. Tout deux ne sont que des moyens d’expression de ce qu’il y a de plus vrai chez l’être, son âme et son coeur.
Méprise ! Un beau regard n’émane pas forcément de beaux yeux. Ces derniers sont subjectifs là où le premier relève d’une sensation, d’une pulsion… Une alchimie. En vérité, l’objectivité de l’attribut « beau » des yeux ne traduit que l’essence du regard.
Et il en va de même pour le sourire, il ne se définit pas forcément sur de belles lèvres. L’âme s’exprime à travers le regard de la personne et le coeur à travers son sourire.
… On peut sûrement aller encore plus loin sur leur alchimie, lorsque deux âmes se lient à travers un regard ou quand un sourire trahit un sentiment …
Mais voilà pour l’instant ce que ton regard et ton sourire m’ont appris et nous avons toute une vie pour aller plus loin et apprendre ce que nous offrira cette alchimie.
Pour le moment, tu sauras que : c’est lorsque ton sourire a attiré mon regard et que ton regard m’a fait sourire, que j’ai su que j’étais en train de t’aimer, t’aimer ad vitam aeternam. []
– M’aimeras-tu toujours – L’alchimie d’une réponse
SAMAKE Ba Samba – Septembre 2018
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